Promenade indienne
Imaginez la fin de l'après-midi, juste au moment où le soleil descend sur le golfe du Bengale.
Imaginez la Promenade qui surplombe l'océan, il fait chaud et doux, la brise qui vient de l'eau étend un voile poudré sur les flâneurs, toutes couleurs mélangées, qui savourent lentement la paix du soir, se rafraîchissent d'un pas lent, mangent des barbapapas en sachet rose fluo, content fleurette discrètement à leur promise dans une débauche de saris colorés et de rires aigus. Les enfants courent, le marchand de flûte aimerait bien en vendre une, la mendiante tend la main et le sourire, le policier tire sur sa moustache d'une main et tient son gros bâton serré de l'autre.
C'est l'heure ou le corps fatigué se relaxe, l'esprit se ferme au travail et s'ouvre au repos, le cœur s'interroge.
C'est l'heure ou je vais, dans cette salle aux immenses fenêtres sur l'océan, plier mon corps et mon souffle au yoga, puis aux mains de la masseuse qui dispense les soins Ayurvédiques, avec un en-cas de fruits frais prescrit par le docteur, vous savez, celui qui parle à la télé tous les matins.
Une grande table en palissandre qui brille dans la pénombre, luisante d'huile odorante, glissante comme une patinoire, surmontée à la tête d'une suspension, un entonnoir en bois. Sur le côté, des gros tampons de tissu blancs, remplis d'herbes, posés comme des rochers-coco , en ringuette.
Amritha arrive et mets les tampons à chauffer sur une plaque posée sur un petit réchaud. Elle en allume un autre sous l'huile préparée en fonction de mon dosha que le médecin avait évalué et de mon affection : une sciatique rebelle.
Elle met en place le petit pagne fait de bandes de coton neuves (et à usage unique, ouf), qui protège l'intimité et du contact avec la table.
Ensuite, elle tourne le petit robinet de l'entonnoir et mon front s'inonde d'huile tiède, un glissement de soie de la racine des cheveux au creux de la nuque, 10 minutes de doigts de sésame, palme, neem, et herbes mystérieuses, ancestrales et bienfaisantes qui s'écoulent doucement.
On essore les cheveux.
Puis vient le combat du corps contre les tampons ou plutôt des tampons brûlants contre le corps déjà chaud, un tampon-à-corps violent, que les muscles d'Amritha connaissent et aiment bien.
On voudrait crier "grâce" mais c'est pour la bonne cause.
Et vient la récompense, le massage attendu. De l'huile sur les jambes, de l'huile sur le dos, de l'huile sur le torse, et Amritha masse, passe et repasse, malaxe, ouille !, pince, tape, sollicite, frôle, regarde l'heure et "c'est tout pour aujourd'hui", en Tamoul.
Et MAINTENANT……comment vais-je me débarrasser de toute cette huile avant de remettre ma robe légère ?
Pendant les minutes ou le soin fini, on médite les yeux fermés, le corps gras, et les bras frissonnants (ben oui, il peut faire froid après un massage même si la pièce est à 25°) Amritha est passé dans la salle de bain –je vous ai dit que c'était un établissement de luxe, pour bourgeois pondichériens ou touristes prêts à faire un effort financier pour leur santé ? – pour se laver. Je n'ai jamais su si elle faisait une toilette complète après chaque patient ou bien si j'étais sa dernière "massée", et qu'elle profitait des bienfaits d'une douche chaude avec l'eau courante (auquel cas elle avait bien raison).
Ensuite, descente oh combien périlleuse de la table super glissante, j'avais trouvé le coup à la seconde fois, une main sur un montant, l'autre bien accrochée sur le rebord d'en face, on bascule une jambe, on trouve la dernière marche de l'escabeau, on bascule l'autre et on descend comme sur des œufs car la plante des pieds a eu elle aussi sa ration d'huile. Pas question de glisser non plus sur les quelques mètres qui me séparent de la toilette, je ne pourrais pas me recevoir sur le sol, mes mains tiennent le pagne, qui lui aussi, glisse.
Salle de bain moderne occidentale, douche chaude, un vrai luxe et l'espoir de retrouver sa peau à peu près normale selon les critères sud-indiens : humide mais non grasse.
Bon, mais où est le savon ?
Regards affolés, comment-non-c'est-pas-possible-je-ne-pourrai-pas-me-rabhiller-comme-ça.
Puis l'œil se fixe sur une cuvette remplie de poudre marron, qui sent bon les herbes. Ca doit être ça le savon.
Je prends de la poudre, je la mouille, je frotte mes cheveux, je me badigeonne de la tête aux pieds, je rince à l'eau brûlante ….et je suis toujours aussi grasse. Mais ma peau sera toute douce demain, non agressée, et ce lent malaxage donne à la toilette une dimension de soin, avec l'impression de faire quelque chose pour son corps, pas seulement un acte social et hygiénique avant de partir travailler.
Le lendemain, j'arrivais avec savonnette et shampoing et je décidais d'acheter la "poudre à laver" (le corps, pas le linge) pour en faire quelque chose une fois rentrée.
Donc acte, voici le savon aux herbes lavantes ayurvédiques, achetées dans un magasin indien et bio. Cette poudre est fabriquée, selon une technique ancienne et manuelle, dans une boutique que j'espère voir un jour.
Les herbes utilisées sont très répandues en médecine ayurvédique, elles ont des propriétés externes et internes.
Poudre de bain Ayurvédique (Snan Raj)
Asal Snan Raj est un mélange unique de 13 plantes naturelles, réduites en poudre manuellement dans des proportions précises. Ce produit pur à base de plantes est la solution la plus efficace pour le bain, sans rejet de produits chimiques dans les effluents tout en fournissant des éléments nutritifs pour le sol.
Contenu:
Cyperus esculentus (Nagar Moth)
Cassia tora graines (Puvadia Beej)
Nordostachys Jatamasi (Jatamasi)
Curcuma Amada (Amba Haldi)
Curcuma Longa (Haldi)
Acorus Calamos (Ghoda Vaj)
Neem Leaf (Neem Patti)
Emblic Myrobalan (LBA)
Chébulique Myrobalan (Disques)
Belliric Myrobalan (Behda)
Hedychium spicatum (Kapur Kachari)
Snan Raj est une combinaison ancestrale d'herbes ayurvédiques fines et traditionnelles, utilisées dans les anciens bains royaux. Lorsque cette poudre de bain est utilisé régulièrement pendant quelque temps, elle a la propriété mystique unique de changer l'Aura du corps et de donner du lustre et de l'éclat à la peau. Ces herbes suppriment les cellules mortes de la peau et ouvrent les pores, mais aussi libèrent les toxines du corps.
Propriétés thérapeutiques : guérison des affections cutanées mineures et également protection de la peau contre les piqûres d'insectes. Rincer à l'eau tiède. Laisse la peau souple, douce et fraîche. Appliquer ensuite l'eau de rose Asal.
La formule ce savon "Promenade Pondichérienne" , non vegan :
200g de graisse de canard
193 g hv olive bio
250 g hv coco
193 g hv colza bio
160 g hv Palme bio
50 g acide stéarique
50 g hv Ricin
A la trace fine :
150 g de poudre de bain Asal
un carré de soie dissout dans la soude
Soude et eau à calculer
Ce savon est d'une magnifique couleur chocolat noir, impossible de me souvenir des he que j'y ai mises, il sent bon le savon de Marseille et, comme j'ai directement versé la poudre indienne dans la pâte, il est exfoliant. J'aurais pu faire gonfler la poudre dans de l'eau et diminuer le liquide de dilution de la soude pour un effet plus lisse, peut-être ^_^
Utilisation: Dissoudre 1 cuiller à soupe. de Snan Raj dans suffisamment d'eau pour obtenir une pâte lisse. Faire tremper une nuit ou pendant au moins 3 heures. Frotter doucement sur le corps et le visage dans un mouvement circulaire.