Savon "Blanc de boeuf-santal"
Chez le boucher, il y a quelques semaines:
- Bonjour monsieur, avez-vous du blanc de boeuf?"
- Mmm M'dame, du blanc de boeuf?
Petit air bovin sur le visage (pardon monsieur le boucher, je ne résiste pas...)
Du gras qui entoure les rognons de veau?!
- Oui, s'il vous plait.
Il va vers la porte de la chambre froide, sort deux paquets et se retourne vers moi:
- Vous en voulez combien?
- Euh 500g? 1kg? (Qu'est-ce que j'en sais moi?)
Il se retourne, s'affaire sur l'étal, se retourne à nouveau:
- C'est sûr, vous ne voulez pas les rognons?
- Oh non merci!
S'il savait que la seule fois où j'ai tenté de cuisiner des rognons de veau, j'ai cru que ma cuisine, que dis-je ma maison toute entière, était devenue une immense pissotière.
Tout a fini à la poubelle, même la planche à découper!
Dorénavant je ne mange les rognons (que j'adore en plus) qu'au restaurant.
Vous en connaissez vous des personnes qui cuisinent encore les rognons?
- Bon, il y en a 682g, c'est bon?
- Oui c'est très bien, merci. Combien vous dois-je?
Re-air bovin, il se retourne vers son collègue, re-air bovin x 2 , conciliabule...
- Rien, c'est gratuit ma p'tite dame!
Air bovin ce coup-ci de l'autre côté de l'étal.
Merci monsieur le boucher, vous venez de contribuer à faire avancer la science savonnière!
Arrivée à la maison, j'ai fait fondre tout doucement le magma un peu sanguinolent qu'il m'avait donné.
J'ai filtré à travers un tamis en nylon très fin et mis au réfrigérateur.
Le blanc de boeuf se présente comme beaucoup de graisses animales (gras de canard, gras d'oie, saindoux, émeu...). C'est blanc, très fin et ça pénètre superbement la peau sans laisser de gras.
Je regrette de ne pas avoir pu en obtenir en bio.
"Blanc de boeuf-santal".
On fait ce qu'on peut pour rendre le gras qui entoure les rognons de veau un peu glamour...
Dans la nomenclature internationale des ingrédients cosmétiques (INCI) de nombreux savons, on trouve le mot "tallowate de sodium" qui est de la graisse animale saponifiée.
Normalement c'est du gras de boeuf mais rien n'est moins sûr, on peut y retrouver toutes sortes de gras animaux.
Les personnes végétariennes ne devraient donc pas utiliser ce type de savons.
Cette graisse animale très fine sert à faire les frites dans certains pays et en savonnerie, elle est sensée donner beaucoup de douceur au savon.
D'autres gras animaux saponifiés avec succès ici, ici, ici.
Aujourd'hui j'ai voulu tester la méthode "Gagner du temps" dont Kafée parle ici sur son excellent blog consacré presqu'exclusivement à ses savons.
Cette méthode consiste à mettre la solution de soude fraîchement préparée (donc très chaude) au contact des gras durs puis d'ajouter les huiles fluides.
La saponification se poursuivant ensuite comme d'habitude, on gagne du temps en sautant quelques étapes.
La réaction de saponification débute donc avant l'ajout de toutes les huiles, ce qui semble apporter une sensation de surgras supplémentaire.
En réalité les huiles dures commencent à être saponifiées avant les huiles fluides mais les molécules de soude en excès sont utilisées de toutes les manières.
Cette méthode est réservée aux savonnières expérimentées car la manipulation de la soude très chaude voire fumante majore les risques.
Je choisis de parfumer avec un flacon d'huile de santal acheté dans le quartier indien de Paris sur lequel il est indiqué "Mysore Sandalwood oil (pure) Export quality".
Mais vu le prix dérisoire auquel il est vendu par rapport au coût d'une véritable huile essentielle de santal de Mysore, vu son parfum, je subodore que c'est au mieux un attar d'autres plantes sur bois de santal de Mysore.
Voici chez Venezia quelques indications sur cette méthode de distillation et ses déviations modernes.
Sinon, c'est une fragrance.
Je procède à un test qui me confirme que c'est certainement un mélange odorant et non des HE pures.
L'accélération soudaine de la trace me confirme ce fait.
Test pour repérer les véritables huiles essentielles des autres
Déposer quelques gouttes de votre HE sur une feuille de papier. Laisser sécher 24H.
Si c'est une huile essentielle pure, les molécules aromatiques doivent s'être évaporées laissant le parfum mais aucune tâche grasse comme le ferait une huile végétale.
Voici le résultat avec de l'HE de lavande bio Florame, une huile d'olive bio et le santal indien.
On voit bien les traces grasses de l'huile d'olive et du santal.
Formule du savon " Blanc de boeuf-santal"
- 450g Huile de coco indienne
- 250g Blanc de boeuf (Tallow dans le calculateur)
- 250g Huile d'olive bio
- 250g Huile d'arachide bio
- 150g Beurre de karité bio
- 100g Huile de colza bio
- 50g Huile de Macadamia bio
Soit 1500g d'huiles.
Soude et eau pour un surgras de 6%
Méthode "Gagner du temps" de Kafée
Soie Tussah (Zinette)
5g d'huile de santal indien fragrance
Il y a eu une phase de gel et curieusement la pâte semble friable et givrée alors qu'elle n'est pas caustique. L'aspect extérieur donne une sorte de marbré fort joli ma foi.
Le savon obtenu est très doux, sent bien fort l'Inde et le parfum persiste même sur la peau après le savonnage.
La mousse fine au départ est très crémeuse et douce. Testé peu de jours après sa fabrication, il est très nourrissant pour les mains.
Je pense qu'il se bonifiera bien.
J'ai peu surgraissé car ce savon doit partir loin dans une toute petite île du Pacifique (non pas chez toi Catherine) où il est très attendu.
Le climat y est chaud et humide, le santal y est apprécié car il rappelle un voyage presque initiatique en Inde et le stock de savon du premier voyage est terminé!
Je pense réutiliser ce gras de boeuf dans une formule réalisée classiquement car cet essai a comporté deux nouveautés, la méthode de Kafée et cette graisse.
Ne sachant pas à quoi imputer les conclusions (phase de gel, friabilité, aspect marbré), il me faut recommencer.
Ah là là que la vie est dure !