Lait de Cade : histoire d'un beurre corporel qui ne voulait pas épaissir...
Je ne sais pas vous, mais moi, j'ai des envies de beurre corporel. Comment ça ce n'est pas la saison ? Vous allez voir, le mien est très léger et très original... pour un beurre.
Si original en fait qu'au moment de sa conception, mon émulsion n'a pas trouvé bon d'épaissir comme moi je le voulais. Je pense que c'est dû au sucrose stéarate, souvent à l'origine de textures plus fluides que prévu.
D'accord, j'ai aussi des envies de lait fluide en ce moment, mais seulement quand c'est moi qui le décide !
Mais rembobinons, et revenons au moment où mon idée a germé...
Depuis un certain temps déjà, on voit fleurir sur le net de nombreuses recettes pour fabriquer soi-même et chez soi ses propres esters, afin de s'en servir d'émulsifiants. Les conclusions des diverses testeuses de ces émulsifiants dans leur crèmes sont que les textures obtenues possèdes de remarquables qualités cosmétiques, d'une grande finesse, plutôt fraiches et glissantes à l'application.
Pour ma part, j'ai préféré utiliser les esters que je possédais déjà avant de me lancer dans la fabrication de ceux qui me font drôlement envie comme le glycéryl oléate, qu'on retrouve souvent dans les listes d'ingrédients des produits du commerce.
À l'origine de mon idée, il y a aussi cette envie toujours présente de copier les textures des crèmes conventionnelles.
Or, j'ai repéré dans la petite boutique d'une nouvelle marque (nouvelle à ma connaissance en tout cas), un beurre corporel de leur ligne bio au toucher très onctueux comme je les aime, fondant quand on y plonge le doigt, et à la pénétration exceptionnelle, d'une finesse comparable à celle que l'on obtient avec les esters et d'autres ingrédients aidés par la chimie.
Ni une ni deux, je retourne le pot pour scruter attentivement la liste INCI (comme d'habitude sous le regard réprobateur de la vendeuse).
Et là, bonne surprise, les ingrédients utilisés sont très corrects, relativement naturels, en tout cas rien de vraiment nocif ni pour la peau ni pour l'environnement. Entendez par là : pas de paraben si décriés, et surtout pas de silicone et pas de cette parafine qui me déteste tant, mais des huiles et des beurres végétaux et, en guise d'émulsifiants, de nombreux esters.
J'ai d'ailleurs relevé la liste des émulsifiants (seulement ça, car on en avait marre et on avait envie d'aller ailleurs, alors j'ai suivi le mouvement).
J'essaierai de réaliser ma version maison personnelle avec le mélange relevé d'ici peu. En attendant, voici une autre version de beurre corporel fluide lait pour ce printemps relativement estival :
Formule du Beurre Lait de Cade :
- phase huileuse
. 6 isopropyl palmitate (Les Utiles de Zinette)
. 5 huile de coco fractionné
. 5 karité du Bénin
. 3,5 cire n°3 (≈ glycéryl stéarate SE mais avec un résultat un peu plus léger car plus concentrée en potassium stéarate)
. 3 huile de macadamia inodore (Les Utiles de Zinette)
. 3 huile de pépins de raisin
. 3 Oliwax LC (Les Utiles de Zinette)
. 1 substitut de lanoline
. 0,5 alcool cétéarylique
. 0,3 anti-oxydant
- phase aqueuse
. 62,4 eau
. 3 glycérine
. 1,5 sucrose stéarate (AZ)
. 1 géogard ultra
. 0,2 cellulose
. 0,1 xanthane
- troisième phase
. 1,5 He
+/- d'acide lactique pour un pH d'environ 5.
Comme vous le voyez, pas d'actifs en pagaille, mais une réflexion sur le système d'émulsifiants/épaississants qui me permet aurait dû me permettre d'avoir à la fois une texture épaisse — au moins une crème en pot —, une pénétration éclair et une application fraiche et légère (ça c'est bon, je les ai !).
Pour cela, j'ai décidé d'utiliser plusieurs acides gras estérifiés qui agissent en synergie pour avoir une texture très fine. Comme dit Michèle, la nature fait rarement monolithique et les plus belles émulsions sont le fruit de mélanges.
Si je devais écrire l'INCI de mon système d'émulsifiants, ça serait : Glycéryl stéarate, potassium stéarate, sucrose stéarate, cetyl palmitate, sorbitan palmitate, sorbitan olivate, alcool cétéarylique.
Comme vous le voyez, il s'agit uniquement d'esters, d'ester de sucre, de glycéro-esters, etc. (et d'un alcool gras). Les pourcentages ont été calculés en fonction des ingrédients retenus (cire n°3, oliwax LC, sucrose stéarate) mais aussi de leur importance dans l'ordre des différentes listes INCI dont je commence à avoir une bonne collection (bah oui, mon appareil photo de portable me sert à ça, pas vous ?). Je ne sais pas si c'est très clair, là...
Un petit mot à propos du mélange xanthane/cellulose (Bilby) dans ces proportions : c'est le mélange qui m'a toujours donné le meilleur résultat. Il donne un gel très fin, encore fluide mais suffisant pour stabiliser les émulsions. Je précise que ma xanthane est celle d'AZ (il en existe tant...)
Le parfum autour du bois de cade a été fait rapidement au nez, en fonction de l'envie car j'adore ce bois que je trouve très fin, entre le cèdre et le genévrier (ce sont d'ailleurs des juniperus tous les deux).
Je trouve qu'il a la finesse noble et boisée du cèdre avec un léger côté fumé et une note citronnée qui m'évoque sensiblement la fraicheur épicée du genévrier. Le tout est bien plus complexe que l'un ou l'autre. Et le mariage des trois essence dans un mélange gagne en profondeur.
Voici le mélange, en gouttes :
21 bois de cade Purissime (merci mlk !)
12 genévrier Purissime
4 grosses gouttes de citron Pranarôm (merci Venezia !)
4 pamplemousse purissime
4 lavande fine purissime
Le résultat dix jours après la fabrication est un lait très frais, très aqueux, très fin, très évanescent, très agréable, très blanc... Enfin, j'arrête là avec les "très". En tout cas, il a beau être très tout, il est très peu beurre corporel. C'est un vrai lait.
Il est particulièrement agréable à appliquer car il est très glissant. Et en seulement quelques jours d'utilisation, je vois déjà les changements : ma peau est bien plus douce et bien plus hydratée alors que je n'ai pour actif hydratant à proprement parlé que la seule glycérine.
Je suis un peu déçu du parfum, que je voulais un peu plus léger. Il faudrait rééquilibrer les proportions. J'ai eu la main un peu lourde sur le cade et le genévrier finalement. Il mériterait d'être d'avantage citronné et peut-être moins sec et plus rond.
Donc au final un peu plus de pamplemousse, peut-être un petit grain (citronnier ?) et sans doute aussi un romarin à verbénone pour arrondir le tout et l'ancrer définitivement en méditerranée. Et pourquoi pas une pointe d'immortelle... Ou un fond de santal, pour arrondir ?
Je réfléchis tout haut, comme d'habitude...
Et vous, ça vous dirait de venir faire un tour dans les jardins de la Grande Verte avec moi ?